« Johannis-Bannberg Stalag XFIIF2 », tel était le nom de ce sinistre camp de prisonniers russes situé dans le canton de Boulay-Moselle. C’est en revenant d’un reportage photos à Saint Avold, qu’Alain PUECH a rencontré un historien qui lui a raconté l’histoire de ce site peu connu. Il a bien voulu lui servir de guide à la fois pour la visite du cimetière de Boulay et des ruines de ce camp d’internement allemand.
Après la guerre de 14-18, le département de la Moselle est redevenu français. A partir de 1934, l’armée française construit un camp de sécurité pour les unités qui servent sur la ligne Maginot. Lieu de repos et d’infirmerie de campagne, le 146e régiment d’infanterie de forteresse y prend ces quartiers. L’ensemble est situé en pleine forêt sur une surface de 88 ha.
Annexée de facto par l'Allemagne nazie en1940, les prisonniers français vont y faire un bref séjour, notamment le sergent François Mitterrand, avant l’arrivée des prisonniers russes à l’automne1941. L’opération Barbarossa du 22 juin1941 en Russie fait affluer les prisonniers russes en Allemagne, 5,75 millions après les combats de Kiev et de Stalingrad, 3,3 millions ne survivront pas à leur capture. C’est déjà l’approche de la solution finale préconisée par Himmler, qui en signant le décret « Ermächtigung » va considérer les habitants des pays de l’est et baltes comme des sous-hommes (Untermenschen).
Dans les industries de l’acier, il faut de la main d’œuvre…L’idée est donc de faire venir des prisonniers soviétiques depuis les lointaines contrées de l’URSS ou de l’Ukraine. Débarqués de wagons à bestiaux dans un état de délabrement physique pitoyable, ils montent à pieds depuis la gare de Boulay les cinq kilomètres qui mènent au camp du Banc Saint Jean. Entre 1941 et 1944, plus de 300 000 russes vont transiter par le camp, les prisonniers travaillent alors dans les mines et complexes sidérurgiques (Neuland, Burbach) et parfois dans les fermes avoisinantes.
La mortalité est très importante, les conditions de vie très difficile, la plupart des hommes ne sont que de pauvres hères nus et décharnés, victimes de maltraitance et de malnutrition, ce camp porte bien le nom de « DasSchwarzeLager », le camp noir. Une partie des prisonniers va dans un hôpital de campagne, Feldlazarett, sur la caserne Bolchen, située en ville. Leurs corps seront ensuite jetés en fosse commune dans le cimetière juif ou l’on retrouve 3 600 corps.
En novembre 1944, les Américains libèrent le camp. Il reste 2 100 prisonniers grabataires et dès 1945, une première campagne de fouilles est organisée, d’autres suivront en 1979 et 1980. On découvre plus de 204 fosses, contenant chacune plus de 100 cadavres sous 40 centimètres de terre. C’est à cette période que les corps sont transférés vers le cimetière de Noyer-St-Martin dans l’Oise.
Après la guerre, l’armée française se réinstalle dans le camp jusqu’en 1993. Elle va faire du grand ménage en retirant toutes les toitures (les tuiles serviront à refaire les toitures des casernes de Metz). Tous les éléments putrescibles dont les anciens baraquements des prisonniers sont brulés.
Maintenant la nature a repris ses droits, ne restent que les vestiges des bâtiments en pierre des officiers et sous-officiers et les châteaux d’eau. L’oubli tisse sa toile comme ledit G. Becker, historien rencontré un frileux matin du mois d’avril…
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